Nous sommes à Minova, une cité de plus de 100 mille habitants située dans le territoire de Kalehe, province du Sud-Kivu. Il est 09h30 locales, le temps de monter à bord de notre jeep pour une descente sur terrain. La sortie de Minova au nord mène à Sake, territoire de Masisi dans la province du Nord-Kivu ; dernier verrou des forces armées de la RDC qui s’affronte au groupe rebelle du M23 depuis plusieurs mois.

Minova est devenu en quelques semaines une cité de refuge pour des centaines des populations civiles fuyant les combats dans la province voisine du Nord-Kivu

les chiffres changent car la venue des déplacés est assez dynamique mais selon les dernières informations partagées par la division des affaires humanitaires, dans la cité de Minova, les déplacés représentent le triple de la population locale » explique Justin Bushashire, Secrétaire Administratif de la chefferie Buzi-Bulenga qui administre la petite cité de Minova.

Les nombreux sites des déplacés érigés autour de la cité confirment l’hypothèse du secrétariat administratif de la chefferie. L’un des sites pour déplacés est à Mucibwe, à près de 7km du centre. Entre la route en nids de poule qui y mène et la rosée matinale sur les plantes, il faut une trentaine de minutes pour atteindre cet immense espace d’accueil des déplacés installé sous la superbe vue du lac Kivu, une vue rapidement arrachée par des tentes en bâches servant d’habitations de fortune aux centaines de déplacés.

Il est 10h00 à Mucibwe lorsqu’une trentaine des femmes enceintes se range devant une tente blanche, attachée au sol par des fils tendeurs. Ce cadre sert de clinique mobile depuis 9 mois, offrant des services gratuits aux femmes déplacées enceintes. Rachel Nabintu est la sage-femme qui assure la permanence dans cette clinique mobile. Comme dans sa routine, elle s’habille en tenue professionnelle rose avant de ressortir dehors de la tente pour organiser les femmes en deux rangées.

Soulager les souffrances des femmes déplacées

Les consultations commencent par les mots d’accueil de la sage-femme, assise comme toutes les femmes, au sol. Julienne Karaza fait partie des premières à être consultée. C’est une habituée de la clinique mobile de Mucibwe où elle vient pour ses consultations prénatales depuis trois mois : 

j’ai fui mon village à cause des combats. Je n’ai rien pris sur moi. Je suis venue avec mes enfants et mon mari quand les combats se sont rapprochés de notre village tout près de Kitchanga dans le territoire de Masisi, raconte-t-elle- dans un calme froid avant d’ajouter, j’ai marché à pied pendant 2 jours à des dizaines des kilomètres avant d’arriver ici alors que j’avais une grossesse de trois mois ».

L’histoire de Julienne est similaire à celle de presque toutes les femmes déplacées venues en consultation prénatale dans la clinique mobile.

Nous recevons des femmes déplacées venant des différents coins.  Presque toutes viennent de Masisi et ont besoin d’assistance en urgence parce qu’essoufflées par le long trajet » explique Rachel Nabintu qui s’apprête à consulter par ordre de priorité les femmes assises devant la clinique mobile.

Cette clinique mobile est fonctionnelle depuis novembre 2023 grâce au projet d’urgence financé par la République française. Elle est gérée par le partenaire d’implémentation TPO sous l’accompagnement technique de UNFPA

Nous avons fait face à une vague des déplacés dans le territoire de Kalehe et plus précisément ici à Minova qui est à la frontière entre les provinces du Nord et Sud-Kivu. Grâce à UNFPA nous avons pu installer cette clinique mobile qui offre les services et prend en charge gratuitement les femmes enceintes déplacées. » explique Jean Paul Tshiteya en charge de projet à l’Ong TPO.

Zéro décès maternel et néonatal

A l’issue des consultations prénatales, les femmes nouvellement consultées reçoivent des kits d’accouchement individuel. Il s’agit d’un paquet constitué entre autres des linges, du savon, d’une paire de ciseaux et d’un tapis en plastique que les femmes doivent garder tout près d'elles.

En déplacement, en attente d’assistance humanitaire, les femmes mêmes enceintes vont à la recherche des petits boulots pour chercher de quoi nourrir leurs familles. Certaines travaillent même dans des champs et donc une femme à terme peut être surprise en plein travail. Mais avec ce kit, elle peut accoucher et avoir de quoi protéger son bébé jusqu’à obtenir une bonne prise en charge » explique Rachel Nabintu.

Depuis la mise en service de la clinique mobile plus de 186 accouchements y ont été enregistrés avec jusqu’ici aucun cas de décès maternel ou néonatal

c’est un des résultats transformateurs de UNFPA que nous implémentons ici : mettre fin aux décès maternel évitables. Et cela a commencé par la formation des sages-femmes puis l’installation de cette clinique mobile pour assurer que toutes les femmes déplacées aient un accès gratuit par les prestataires qualifiés pendant toute la durée de la grossesse » explique Dr Deo Cigwerhe, conseiller en santé de la reproduction humanitaire à UNFPA.

« Je suis arrivée déjà enceinte au camp, j’ai commencé mes consultations prénatales ici mais au moment de l’accouchement ça s’est compliqué. Mademoiselle Rachel a appelé une ambulance pour m’évacuer vers l’hôpital général de référence de Minova. Là-bas j’ai été prise en charge, j’ai accouché par césarienne et je suis rentrée avec mon bébé chez moi sans rien payer » se souvient Pendo Panda.

En plus des consultations prénatales, la clinique mobile offre des services en planification familiale, à ces jours 994 femmes déplacées ont adoptés des méthodes contraceptives afin de mieux planifier les naissances et d’éviter des grossesses non désirées.