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La souffrance faisait partie de mon quotidien. Ma belle-famille n’a jamais cru au viol ; pour elle, ce n’était qu’une affabulation. Délaissée, je n’avais qu’une seule envie : me pendre et mettre fin à ma vie .

 

Madeleine Mushiya (nom d’emprunt) est enceinte de son dixième enfant. A 35 ans révolus et veuve, elle se confie à nous.  Elle nous parle de son enfance, de sa famille, de son parcours.

 Un matin, alors que j’allais puiser de l’eau, j’ai croisé trois hommes armés. Ils m’ont prise de force et m’ont violée. Orpheline de père et de mère, je vivais chez mes grands-parents. C’était un calvaire. On n’avait pas de quoi manger et je n’étais pas scolarisée. Le mariage était donc la seule et unique option que j’avais pour sortir de cette précarité. Lorsque je me suis mariée, je n’avais que 15 ans et mon mari 20 ans »

 

Après le décès de son mari, Madeleine s’est retrouvée dans la rue. Pour nourrir ses enfants, elle s’est mise à faire du sarclage des champs, moyennant un salaire dérisoire.

 

 

 Chaque fois que je sarclais, je recevais 1000 FC, parfois plus. La fréquence de travail dépendait des cultures; celle vivrière une à deux fois le trimestre tandis que la culture maraîchère , chaque deux semaines. »

 

Un jour Madeleine apprendra à travers l’une de ses connaissances, qu’elle pourra bénéficier d’un accompagnement de l’ONG Cris pour les Opprimés (CPO), partenaire de l’UNFPA et spécialisée dans la réinsertion socio-économique des victimes des violences sexuelles et basées sur le genre. Madeleine décide de rencontrer les membres de cette structure.

 

 J’ai leur ai raconté mon histoire. A l’issue de notre rencontre, j’ai été identifiée d’abord comme une victime, ensuite comme femme cheffe de ménage. Cela m’a permis d’être référencée au CERDES, un centre de santé à KATOKA. J’ai pu bénéficier ainsi d’une prise en charge médicale

 

Avec l’aide de l’ONG CPO, Madeleine a eu droit aux coaching de comptabilité élémentaire. Elle a aussi appris comment créer et gérer une activité génératrice de revenus. Un fond de départ de 200 000 FC (soit environ 100 USD) lui a été remis après la formation, pour lui permettre de lancer son commerce de poissons frais. A ce jour, le capital de Madeleine s'élève à 600 000 FC. Elle paie elle-même son loyer, s’occupe de la scolarité de ses enfants et subvient aux besoins primaires de sa petite famille. Grâce à son épargne, elle a pu s’acheter un terrain.  Aujourd’hui, je construis, demain je ne serai plus locataire »conclut-elle.

 

Le circuit de référencement des survivantes

 

L’Hôpital secondaire de la commune de Nganza, situé dans la zone de santé de Tshikaji, est l’un des centres de santé financé par UNFPA pour la prise en charge des cas des VBG.

Docteur Edouard MUNTU , Médecin directeur coordonne les interventions du Centre intégré Multisectoriels (CISM) qui comprend 4 guichets assurant la prise en charge des survivants grâce à des mécanismes d'assistance psychosociale centrés sur les survivant(e)s à la mise en œuvre de mécanismes de protection et de sécurité appropriés, en passant par  l'accès des survivants à une aide des services juridiques, à la prise en charge médicale et à la réinsertion.

 

 Les cas des VBG que nous recevons, nous viennent de la communauté, parfois référés par d’autres guichets, les associations œuvrant dans la lutte contre les VBG et la police .

Les survivantes une fois arrivées dans le CISM suivent automatiquement le circuit de référencement mis en place. Ce circuit leur permet d’accéder aux services de protection disponibles et de recevoir une réponse aussi adéquate que possible. Cela passe d’abord par un entretien approfondi avec la victime, ensuite, l’acceptation par la survivante en donnant son consentement écrit et signé et enfin, elle est soumise à une batterie d’examens médicaux pour prévenir le VIH, la grossesse et les infections.

 

Docteur Edouard Muntu insiste sur l’importance de la prise en charge dans le délai de 72h. Pour lui, ce temps permet à la survivante de recevoir des soins appropriés tels que le kit PEP qui comprennent la pilule contraceptive d’urgence pour prévenir la grossesse, les ARVs pour prévenir le VIH et les antibiotiques pour lutter contre les infections. Au-delà de 72H, il y a risque de contamination au VIH et de grossesse.

 

 Des soins de qualité aux survivant(e)s de VBG relèvent, par exemple, de l'intervention individuelle pouvant être mise en œuvre, de la phase aigüe d'intervention au stade de secours prolongé et de relèvement. Les soins et les acteurs concernés ne seront pas forcément les mêmes à tous les stades d'une urgence. 

 

Pour Emérance Ngondo, infirmière titulaire au centre de santé de référence CERDES, 4  à 6 séances de prise en charge psychologique  peuvent être suffisantes pour permettre à la survivante d’être déchargée . En effet, selon elle, le relèvement dépend d’une victime à une autre.

 

La prise en charge psychosociale des survivantes de VBG reste le point d’entrée principal. Le pourcentage de prise en charge est élevé. Ceci explique la confiance que les agents ont su tisser au fil du temps au sein des différentes communautés mais également, l'existence des assistantes psychosociales qui constituent les "points d'écoute" au niveau communautaire qui permettent aux survivantes de parler en toute quiétude dans l’assurance que la confidentialité sera garantie.