La région du Kasaï composée des provinces du Kasaï, du Kasaï Oriental, du Kasaï Central, de la Lomami et du Sankuru présente un contexte humanitaire marqué par la persistance des conflits intercommunautaires sporadiques liés à la fois à la gestion du pouvoir coutumier et foncier ainsi qu’à l’insécurité alimentaire récurrente, la résurgence des épidémies, la malnutrition chronique et des cas de violences basées sur le genre (VBG).
Dans cette zone, plusieurs femmes souffrent de la fistule obstétricale. Souvent causée par une complication du travail de l’accouchement prolongé qui est mal pris en charge. En soutien au gouvernement de la RDC, UNFPA prend en charge gratuitement la réparation de la fistule obstétricale à travers l’intervention chirurgicale, approvisionne les structures de santé en équipements et médicaments essentiels pour les opérations, assure la formation des prestataires de soins pour la prise en charge des cas simples de la fistule obstétricale selon une approche de routine.
En trois ans, le Dr Pierre Kalala a effectué plus de 108 réparations de fistules obstétricales. Rien ne présageait à ce jeune médecin de 42 ans, marié et père de deux enfants, un destin de chirurgien spécialiste de la fistule. Formé par UNFPA en 2019 à Kinshasa à l’hôpital St Joseph, il est actuellement le seul spécialiste de référence au Kasaï-Central. En effet, après avoir œuvré pendant 7 ans comme médecin généraliste à l’Hôpital de référence de référence St Georges, le Dr Pierre Kalala Kabangu a été formé pour opérer les femmes victimes de la fistule obstétricale.
Au cours de la première campagne de réparation des fistules obstétricales dans la Province de Kasaï-Central en 2019-2020, une équipe médicale en provenance de l’Hôpital Saint Joseph de Kinshasa a séjourné dans cette partie du pays pour opérer près de cent cinquante femmes souffrant de la fistule obstétricale.
Pour la première de cette campagne, le Dr Pierre a été associé afin d’être initié aux pratiques de base de la prise en charge de femmes victimes de la fistule obstétricale. C’est à partir de cette campagne qu'est née sa dévotion pour prendre soin des femmes touchées par cette anomalie médicale.
Vu le nombre des femmes qui souffrent de la fistule obstétricale, c'était une nécessité pour moi de faire quelque chose pour elles, c’est alors que j’ai pris la décision d’apprendre la chirurgie obstétricale pour aider ces femmes” nous confie Dr Pierre Kalala.
Chaque cas que j’opère est comme le premier cas
Il y a plusieurs formes de fistule et certaines sont plus complexes que d’autres. Grâce à la formation et à la pratique, l'équipe médicale arrive à redonner le sourire aux femmes. Se confiant à nous, le Dr Pierre reconnaît que durant sa formation, il a été confronté aux cas les plus complexes de fistules. Ce qui lui a permis d'aiguiser sa technique et de s’adapter aux cas dont il fait face. Fidèle à lui-même, son rituel avant chaque opération est le même : de documenter sur chaque cas, relire ses notes et prier. Pour lui, chaque coupe de bistouri est comme le premier cas à opérer.
Mise en place de la Fistula Clinic
Pour ne laisser personne de côté, UNFPA a contribué à l’installation d’une Fistula Clinic dans l’enceinte de l’Hôpital St Georges de Kananga. Une équipe constituée de cinq prestataires, a été formée pour s’occuper de la prise en charge holistique des cas des fistules obstétricales. Elle est composée d’un médecin, d’un anesthésiste, d’un chirurgien, de deux infirmières.
UNFPA apporte un appui substantiel à Caritas Kananga. Cette dernière se charge du volet réintégration socioéconomique de l’intervention.
La majorité des femmes traitées sont des femmes déplacées internes, mal assistées lors de leur accouchement pour la plupart. Plusieurs femmes ont vécu en marge de la société à cause de cette maladie considérée tantôt comme une malédiction tantôt comme une punition de Dieu. Certaines d’entre elles ont souffert pendant plus de 10 ans du jugement et du regard de la société sans que personne ne puisse réellement mettre un nom à l’origine de cette maladie. Aujourd’hui, grâce à Dr Pierre Kalala, elles peuvent enfin se relever. Elles sont même devenues des ambassadrices auprès de celles qui sont dans l’ignorance.
Elles témoignent :
Je suis déjà grand-mère, j’avais perdu tout espoir. En venant ici, c’était ma dernière chance et je n’y croyais plus! Aujourd'hui je suis très reconnaissante. Dr Pierre m'a opérée et je suis guérie. Je peux danser, marcher, courir sans que je n’aie de problème d’écoulement. ”
Mélanie 42 ans :
Ma situation était déplorable. Je n’avais plus aucune envie de vivre. J’ai parcouru plusieurs hôpitaux il n’y avait pas de changement pour moi au contraire mon état s’aggravait. J’avais une fistule obstétricale, mais je ne savais pas ce que c'était comme maladie. Lorsque je me suis rendu à l’hôpital St Georges, j’ai rencontré le Dr Pierre, il m’a expliqué ma maladie et m’a fait la promesse que j’allais guérir. Sceptique, je n’avais plus rien à perdre, quitte à essayer. Aujourd'hui je suis venue remercier le docteur parce que je n’y croyais plus mais il a fait un miracle dans ma vie. Que Dieu bénisse Dr Pierre.”
La Fistula clinic est une référence au Kasaï-Central. Les femmes, même celles qui viennent des endroits reculés comme Luiza, Tshimbulu et Dibaya, savent exactement où aller et qui rencontrer. De par son emplacement géographique stratégique, la clinique permet une facilité d’accès à une majorité de femmes afin qu’aucune femme ne soit oubliée car pour UNFPA chaque personne compte. Depuis la mise en service de la fistula clinique, et grâce au concours du Dr Pierre Kalala et son équipe, la clinique a rendu la dignité à plus de 258 femmes.