Alors que les Nations-Unies recommande à chaque pays d’organiser son Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) chaque dix ans, la République Démocratique du Congo (RDC) a organisé son premier et dernier RGPH en 1984.  La réalisation du deuxième Recensement Général de la Population et de l’Habitat revêt un caractère plus qu’impératif en RDC. Le Professeur Pierre KLISSOU, Conseiller Technique Principal du Recensement au bureau de UNFPA RDC s’est prêté à nos questions pour parler de l’importance, de l’état d’avancement et de la différence entre le RGPH et les autres types d’opération de recensement ainsi que de l’appui apporté par UNFPA.

Qu’est-ce que le recensement général de la population et de l’habitat ?

Le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) est un terme consacré, universellement reconnu par les Nations Unies, qui désigne une opération spécifique de collecte des données, anciennement appelée « Recensement Scientifique de la Population ».

Il s’agit d’une opération visant le comptage exhaustif de la population d’une région ou d’un pays, sans omission ni double compte, et la connaissance de ses conditions de vie sur une période de temps donné.

« Selon les Nations Unies on entend par Recensement de Ia population, l'ensemble des opérations qui consistent à recueillir, à grouper, à évaluer, à analyser et à publier des données démographiques, économiques et sociales se rapportant, à un moment donné, à tous les habitants d'un pays ou d'une partie bien déterminée d'un pays».

Le RGPH permet donc de répondre avec précision aux questions telles que : Combien sommes-nous ? Qui sommes-nous ? Où vivons-nous ? Comment vivons-nous ? etc. dans le but de faciliter la planification et l’élaboration des programmes et politiques de développement à moyen et long termes.

Quel est l’importance du RGPH pour un pays comme la RDC ?

Le premier et le dernier RGPH que la RDC a organisé date de 1984. Au regard des recommandations des nations-unies, chaque pays devait organiser son RGPH chaque dix ans, du moins pour les pays en développement. A cet effet, la RDC serait en préparation de son Cinquième RGPH pour 2024, à raison du deuxième en 1994, du troisième en 2004 et du Quatrième en 2014 ; il y a donc Urgence !

Vous comprenez donc que face au manque d’informations fiables et d’indicateurs nécessaires pour une planification efficace et cohérente des programmes et politiques de développement à moyen et long termes, la réalisation du deuxième Recensement Général de la Population et de l’Habitat revêt un caractère plus qu’impératif en République Démocratique du Congo.

Par exemple, le RGPH fournit à lui seul 98 des 232 indicateurs (soit 42%) pour le suivi des Objectifs du Développement Durable (ODD).

Enfin, les résultats du RGPH faciliteront l’accompagnement du processus de décentralisation et de développement des 26 provinces car c’est la seule opération statistique qui dispose de données au niveau le plus fin dans un pays. Le succès du RGPH2 dans la province dotera cette dernière de données fiables et actuelles pour les besoins de son développement, données indispensables pour orienter les actions des décideurs et des partenaires au développement.

Quel est l’état d’avancement du RGPH en RDC ?

Plusieurs réalisations sont à mettre à l’actif du RGPH2. Le projet a beaucoup avancé sur le plan technique avec notamment la mise en place de la base légale du RGPH2, la création du Bureau Central du Recensement au sein de l’Institut National de la Statistique au Ministère du Plan, l’élaboration des documents et outils de base, l’acquisition des équipements et matériels nécessaires, la réalisation du test de la cartographie, l’installation de l’architecture informatique, le développement des applicatifs de collecte des données, etc.

• Les textes juridiques nécessaires à l’organisation et au fonctionnement des organes de pilotage du RGPH2 sont disponibles et d’application ;
• Les documents méthodologiques et outils de collecte ainsi que la stratégie de communication sont déjà élaborés ;
• Les équipements et matériels nécessaires à la réalisation des travaux de la cartographie censitaire (véhicules, motos, vélos, tablettes, mégaphones, autres matériels informatiques) sont déjà acquis ;
• Les serveurs (principal et de sauvegarde) sont installés ;
• Le laboratoire dédié au traitement des données de la cartographie est déjà opérationnel ;
• Le recrutement du personnel temporaire impliqué dans la réalisation de la cartographie censitaire est effectif ;
• Grâce aux appuis techniques des partenaires techniques et financiers (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement, UNFPA, etc.), plusieurs experts internationaux (Cartographes, Informaticiens) et un Conseiller Technique Principal ont été recrutés pour accompagner le processus.

Les prochaines étapes, sans entrer en détails, vont concerner :

• La réalisation du test de la cartographie ;
• La réalisation de la grande campagne de la cartographie censitaire ;
• La réalisation du recensement pilote ;
• L’acquisition des matériels de collecte pour la phase du dénombrement
• La réalisation du dénombrement exhaustif ;
• Le traitement, l’analyse et la publication des résultats.

Quelle est l’assistance que l'UNFPA apporte à la RDC en matière d’organisation du RGPH ?

Le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) en tant qu’agence lead du recensement a toujours accompagné le Gouvernement aux côtés des autres partenaires techniques et financiers dans ce processus du RGPH2.

Plusieurs actions fortes prises par UNFPA peuvent être citées :

• De façon permanente, UNFPA assure le plaidoyer et le dialogue de politique pour la mobilisation des ressources humaines et financières du RGPH2 ;
• Le recrutement et la mise à disposition d’un Conseiller Technique Principal pour l’assurance qualité du processus ;
• Le renforcement des capacités techniques des cadres du Bureau Central du Recensement sur divers aspects ;
• L’acquisition de mobilier et équipement de bureau au profit du BCR ;
• La liaison par fibre optique des deux serveurs principaux du RGPH2 ;
• L’utilisation des images satellitaires et la géo localisation pour mieux couvrir les zones à accès difficile pendant le dénombrement de la population ;
• L’assistance technique par le recrutement de deux Experts internationaux (Cartographe et Informaticien) pour évaluer le processus et remettre le projet sur les rails ;
• Enfin, l’acquisition récente de matériels et équipements informatiques pour la salle de cartographie (1050 tablettes, 6O ordinateurs portables et 10 ordinateurs de table). Ce matériel permettra de réussir la cartographie censitaire qui est attendue pour 2022.

L’accompagnement des partenaires est un atout important pour le RGPH2. En effet, le gouvernement est accompagné par la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement (BAD), le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA). De même, le BCR est appuyé par l’Initiative de Géo-référencement de l’Infrastructure et des Données Démographiques pour le Développement (GRID³) en collaboration avec l’UNFPA et ses partenaires. Cette assistance consiste essentiellement en renforcement des capacités techniques en cartographie et en bases de données géo-référencées. Sur cette liste des partenaires techniques en appui au projet, il faut citer enfin l’US Bureau of Census (USA), pour son programme de renforcement des capacités et une assistance technique au BCR. De même, une table-ronde des partenaires techniques et financiers du RGPH2 est prévue pour engager l’ensemble des donateurs.

Quelles différences faites-vous entre le RGPH et les autres types d’opération de recensement ? 

Comme nous l’avions spécifié au début de cet interview, le recensement désigne tout comptage exhaustif des individus (sens large du terme) d’une région ou d’un pays sur une période de temps donné.

En fonction de l’objet et du champ couvert (un secteur de l’économie, une sous-population donnée, etc.), les opérations de recensement prennent des noms divers.

Exemples : le Recensement Agricole, le Recensement des Artisans, le Recensement des Entreprises, le Recensement du Personnel de l’état ou de la fonction publique, etc.

En ce qui concerne le recensement de la population, on en distingue trois types : le RGPH, le recensement administratif et le recensement électoral.

Le RGPH est réalisé selon les principes et méthodes définis par les Nations-Unies, qui lui confèrent le caractère scientifique et la possibilité de comparabilité des résultats dans le temps et dans l’espace. Le RGPH est une opération purement statistique dont la finalité est de servir de base à la planification et au suivi des programmes et politiques de développement. Son organisation est confiée aux Instituts Nationaux de la Statistique dont la plupart en Afrique, comme c’est le cas en RDC, sont sous-tutelle du Ministère en charge de la planification.

Le Recensement Administratif est une opération qui vise la constitution ou la mise à jour du Registre de la Population tenu par une entité politico-administrative locale (commune, secteur, chefferie). Le Registre de la Population est une liste nominale des administrés d’une entité politico-administrative donnée contenant leurs identités et coordonnées individuelles (telles que l’adresse, numéro de téléphone, etc.) dont la finalité est entre autres la surveillance des mouvements de la population, la collecte de l’impôt, le recrutement des soldats, etc.

Le Recensement administratif, en tant qu’opération à caractère administratif, est généralement réalisé par les services de population situés dans les entités décentralisées dont la tutelle est assurée par le Ministère en charge de l’intérieur.

Par ailleurs l’enrôlement des électeurs, appelé « Recensement Electoral » vise la constitution ou la mise à jour du fichier électoral (liste des électeurs) selon les entités politico-administratives subdivisées en circonscriptions électorales. L’organisation de cette opération s’impose dans les pays où les données du registre de la population souffrent de mises à jour régulières.

Comme vous pouvez le constater, le RGPH2 est organisé dans un contexte communicationnel où il est en compétition avec d’autres événements importants, particulièrement politiques, qui peuvent conduire à une mauvaise appréhension de l’opération. C’est le lieu d’insister pour une meilleure communication sur le sujet.

Que faut-il faire pour accélérer l’organisation du RGPH ? 

UNFPA se réjouit de la détermination du Gouvernement à réaliser cette opération et nous remercions son Excellence Monsieur le Président de la République qui a inscrit dans son programme prioritaire la réalisation du RGPH2.

Dans cette veine, le Premier Ministre a instruit une commission nationale qui a travaillé sur comment mutualiser les ressources et diminuer le coût des opérations. Des propositions sont faites dans ce sens par les équipes techniques nationales. C’est donc une nouvelle ère pour le RGPH2 ; reste maintenant la programmation des ressources nationales confirmant ainsi la volonté du Gouvernement et la mobilisation de la communauté internationale autour de cette activité.

UNFPA est prêt pour soutenir les options stratégiques du Gouvernement et accompagner le processus selon les normes et procédures internationales.