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En République Démocratique du Congo (RDC), au moins 4 femmes meurent chaque heure de suite de complications d’une grossesse ou de l’accouchement, 23 nouveau-nés meurent par jour suite à des complications de la naissance.  Un drame inacceptable que UNFPA en collaboration avec le gouvernement et d’autres partenaires s’emploient à combattre.  Ils ambitionnent de contribuer à l’amélioration de l’accès aux services de santé maternelle et des soins aux nouveau-nés, ainsi qu’aux jeunes et adolescents. Ils s’emploient également à offrir un meilleur accès à des services de qualité en matière de planification familiale et de l’utilisation de ces services par les individus et les couples en fonction de leurs intentions en matière de procréation. Dans cette interview, le conseiller technique principal de UNFPA-RDC en matières de santé de la reproduction, Dr Achu Lordfred parle de la situation de la santé maternelle et des défis à relever pour améliorer la situation.

 

  1. En tant que conseiller technique principal de UNFPA en RDC en matières de santé maternelle, comment pouvez-vous présenter la situation de la santé maternelle dans le pays ?

En RDC beaucoup de femmes meurent suite à des complications liées à la grossesse et à l’accouchement. La majorité de ces décès maternels peut être évitée si certaines conditions sont réunies. On citera à titre indicatif la couverture sanitaire universelle pour tous, la qualité optimale des soins obstétricaux et néonataux d’urgence, la disponibilité des sages-femmes dans les formations sanitaires qui pratiquent les accouchements ainsi que les médicaments essentiels qui sauvent la vie des femmes et de leurs enfants, la disponibilité de sang sécurisé pour traiter les hémorragies qui sont les premières causes des décès maternels mais malheureusement cela n’est pas encore le cas. D’après les données à notre disposition, en RDC, 8 femmes enceintes sur 10 accouchent dans une formation sanitaire mais le taux de décès maternel reste élevé car la qualité des soins obstétricaux n’est pas optimale étant donné que les accouchements sont assistés par du personnel comme les infirmières qui ne maitrisent pas les compétences obstétriques enseignées aux sages-femmes.

On estime en RDC, une sage-femme pour une population de 16,000 personnes alors que l’OMS recommande 1 sage-femme pour une population de 5,000 personnes.

Le peu des sages-femmes disponibles ne sont pas nécessairement affectés dans les maternités pour assister les femmes lors des accouchements, beaucoup de maternités ne recourent pas aux services des sages-femmes et les accouchements sont dirigés par un personnel de santé sans compétence en obstétrique.

Moins de 12 formations sanitaires sur 100 remplissent les critères des soins obstétricaux et néonataux de base avec un plateau technique adéquat pour prendre en charge les complications qui surviennent lors de la grossesse et de l’accouchement. Le taux de fécondité en RDC est très élevé, plus de 6 enfants par femme. Dans certaines provinces ce taux atteint jusqu’à 8 enfants par femme. Les besoins non satisfaits en planification familiale (des femmes et des jeunes filles sexuellement actives qui souhaitent éviter, espacer ou limiter les grossesses mais n'utilisent pas de moyen de contraception moderne) sont chiffrés à 28% et le taux de prévalence contraceptive (la proportion de femmes mariées âgées de 15 à 49 ans, qui utilise une méthode contraceptive quelconque) est de 18 %. Cette situation a comme conséquence le taux élevé de grossesses non désirées qui contribue à augmenter la mortalité maternelle.

 

  1. Pendant cette période comment évaluez-vous globalement les interventions de UNFPA ?

Les interventions de UNFPA sont orientées entre autres vers l’accompagnement du gouvernement et des partenaires impliqués dans la santé maternelle en RDC à éliminer les décès maternels évitables et redonner le sourire aux femmes et filles à travers :

  • Une augmentation du nombre de sages-femmes dans les formations sanitaires. Nous mettons l’accent sur la formation de qualité en pré service dans les écoles de formation des sages-femmes pour augmenter le nombre des sages-femmes compétentes mais aussi dans leur formation continue entant déjà sur le terrain 
  • L’amélioration de la qualité de l’offre des services dans les centres de santé en terme de formations du personnel soignant, la réhabilitation et l’équipement des maternités et les blocs opératoires pour faciliter la prise en charge obstétricale mais aussi rendre les conditions propices pour avoir des transfusions sanguines sécurisés en faveur des femmes enceintes qui développent des complications pendant la grossesse et de l’accouchement  
  • La promotion de la planification familiale comme moyen non seulement pour éviter les grossesses non désirées et les décès maternels, mais aussi pour l’amélioration de la santé de la femme, de l’enfant, la famille et la communauté  
  • Le plaidoyer en faveur de la promotion des droits à la santé sexuelle et procréative pour la femme et la fille en RDC
  • Le renforcement du plateau technique et la mise en place des équipes soignantes (médecins, anesthésistes, infirmières et sages-femmes) pour la prise en charge chirurgicale de routine des cas simples de la fistule obstétricale avec comme objectif d’atteindre les 26 provinces du pays d’ici 2024

 

  1.   Selon vous quels sont les principaux défis auxquels s’attaque UNFPA pour accomplir sa mission en ce qui concerne la santé sexuelle et reproductive en RDC ?

De manière générale, les ressources sont limitées face à l’immensité des besoins à couvrir. L’insuffisance de fonds pour répondre de manière adéquate aux besoins des femmes, des filles et des jeunes les plus vulnérables parmi les populations déplacées internes, les réfugiés et les populations hôtes, en particulier pendant les crises humanitaires. Il faut noter que le programme de santé de la reproduction bénéficie de moins en moins de ressources par rapport au passé (2013-2017), il devient donc difficile de maintenir le même niveau de prestation de services dans les zones de santé et nous devons prioriser stratégiquement les domaines d'intervention. Le coût élevé du transport à l'intérieur du pays, la mauvaise qualité des services, le mauvais état des routes dans certaines zones sont de véritables contraintes.

 

  1.  La santé de la femme, du nouveau-né et de l’enfant figure parmi les priorités de la RDC en tant que pays post-conflit. Comment UNFPA accompagne-t-il cette vision spécialement dans les zones touchées par des crises et catastrophes humanitaires ?

 

Conformément au plan stratégique de UNFPA, nous appuyons la RDC dans plusieurs domaines :

  • Le plaidoyer et le dialogue politique avec le gouvernement pour éliminer les obstacles juridiques et politiques entravant l'accès aux services et aux droits de santé sexuelle et reproductive, en particulier pour les plus défavorisés ;
  •  L’assistance technique pour soutenir la mise en œuvre de plans de préparation et de réponse aux situations d'urgence et de réduction des risques de catastrophe qui intègrent la santé sexuelle et reproductive ;
  • Le renforcement de la coordination des programmes de santé sexuelle et reproductive dans les situations humanitaires ;
  • La formation et la mise à échelle du cadre des sages-femmes et des associations de sages-femmes pour améliorer la qualité des services intégrés de santé sexuelle et reproductive pour les groupes vulnérables et marginalisés, en particulier les jeunes.

L’amélioration de l'accessibilité et la qualité des services de soins obstétricaux et néonatals d'urgence en octroyant des subventions ponctuelles aux Formations Sanitaires dans le contexte de réponse aux urgences humanitaires en formant les prestataires de services et en fournissant des équipements et des médicaments et fournitures d'urgence vitaux ;

L’'intégration efficace des services de planification familiale et de prévention du VIH fondés sur les droits aux populations les plus vulnérables et les moins desservies ;

La prise en charge clinique des survivantes de violences sexuelles,

La pratique des chirurgies de qualité et de routine pour la réparation de la fistule obstétricale et la prise en charge d'autres morbidités et cancers gynécologiques,

Plaider en faveur d'allocations budgétaires du gouvernement pour la planification familiale conformément aux engagements de FP2020 ;

  • Renforcer le système d'information sur la gestion de la chaîne d'approvisionnement pour atteindre le dernier kilomètre.

 

  1.  La RDC s’est engagée dans la perspective d’atteindre la couverture sanitaire universelle d’ici 2030. En quoi les interventions de UNFPA contribuent-elles à l’atteinte de cet objectif ?

 

La loi sur la couverture sanitaire universelle (CSU) en RDC prévoit la mise en place de plusieurs mécanismes ou « régimes » de financement du secteur, associés à différents « fonds » dont : le « régime public d'assurance maladie » qui fait office de système d’aide aux plus démunis. Malgré ce cadre juridique, la mise en œuvre des politiques, stratégies et plans sectoriels à tous les niveaux du système de santé reste timide. Le pays a un grand défi pour mettre en œuvre des stratégies techniquement réalisables et politiquement acceptables qui équilibrent les 3 dimensions de la CSU : population couverte, services offerts et réduction de la charge financière des personnes couvertes. Un exemple concret des interventions de UNFPA pour contribuer à l’atteinte de cet objectif, c’est la formation des sages-femmes à la préparation et à la réponse humanitaire, puis leur déploiement dans des zones humanitaires et difficiles d'accès pour sauver des vies.

Il s'agit d'une initiative critique du triple nexus humanitaire, développement et de consolidation de la paix qui peut être mise en œuvre dans toutes les situations de crises humanitaires. En raison du succès remarquable enregistré grâce à cette initiative, UNFPA RDC a organisé la formation d'une série de sages-femmes prêts pour la préparation et la réponse dans les situations humanitaires.

Un déploiement rapide d'acteurs humanitaires bien formés et de fournitures est la pierre angulaire d'une réponse efficace aux crises humanitaires voire la CSU. Cette stratégie nationale des sages-femmes humanitaire est efficace et efficiente étant donné qu'il s'agit d'acteurs locaux qualifiés, facilement disponibles pour le déploiement, qui améliore la résilience du système de santé.

La durabilité est abordée grâce à l'inclusion du Dispositif Minimum d’Urgence dans le programme de formation des sages-femmes et une formation de recyclage rapide qui prépare tous les diplômés ainsi que des sages-femmes prêtes à être déployés.

 

6. Avec les interventions de UNFPA, quelle chance pour l’atteinte de l’objectif de zéro décès maternel évitable d’ici 2030 ?  

 Avec une mise à l’échelle des interventions à haut impact sur la santé maternelle par UNFPA, il y a de quoi être optimiste sur l’atteinte de l’objectif de zéro décès maternel évitable d’ici 2030 en RDC UNFPA et ses partenaires ont renouvelé leur engagement à soutenir le gouvernement de la RDC dans les domaines porteurs pour la santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile, adolescente et nutrition (SRMNEA-nut). Certaines de ses interventions qui ont un effet direct sur l’atteint de l’objectif de zéro décès maternel d’ici 20230 sont : 

  • Ressources Humaines en santé : Renforcer la capacité à travers la formation en pré service pour augmenter le nombre des sages-femmes dans le pays mais aussi en intra service (mentorat clinique…) pour améliorer la qualité des services ;
  • Renforcer la chaîne d’approvisionnement en médicaments essentiels qui sauvent la vie des mères, des nouveaux nés et les enfants ;
  • Renforcer la qualité de service à travers des réhabilitations, équipements des maternités, les blocs opératoires, les banques de sang, les services de néonatalogie/pédiatrie, services de prise en charge de la malnutrition ;
  • Renforcer la coordination et collaboration en se focalisant sur le couple mère et enfant ;
  • Renforcer la communication autour de la disponibilité et l’offre de service.

 La mise en œuvre de ces interventions et des résultats qui vont en découler me donnent de l’espoir que la RDC fera des progrès pour l’atteinte de l’objectif zéro décès maternel évitable à l’horizon 2030. UNFPA travaille en RDC avec le gouvernement, les agences sœurs des Nations Unies, les ONG nationales et internationales pour l’amélioration de la santé maternelle. Il est soutenu par le Canada, la Suède, le Royaume Uni, le Fonds humanitaire, la Banque mondiale, etc. C’est le lieu pour moi de lancer un appel à tous les acteurs du développement particulièrement les partenaires de la santé à apporter un soutien massif au domaine de la santé maternelle pour qu’ensemble nous travaillions à faire en sorte qu’aucune femme ne meure en donnant la vie.