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Sud-Kivu : Face à la guerre, la sécurité des femmes, un défi majeur

Sud-Kivu : Face à la guerre, la sécurité des femmes, un défi majeur

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Sud-Kivu : Face à la guerre, la sécurité des femmes, un défi majeur

calendar_today 04 Mai 2025

Une survivante racontant son histoire
Une survivante racontant son histoire

Je prie nos autorités de tout faire pour arrêter la guerre. Nous en avons énormément souffert. Les femmes sont notamment victimes d’abus. Nous n’avions jamais vécu une telle horreur à Kabare. Je suis traumatisée à la vue d’un homme en uniforme, car cela me rappelle les scènes terribles que nous avons endurées », confie Sophie (nom d’emprunt), la voix brisée par les sanglots et les pauses fréquentes. »

Selon OCHA, entre le 10 et le 16 février 2025, des affrontements entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et le groupe armé M23 ont persisté dans une douzaine de localités sur l’axe Nyabibwe-Bukavu, dans la province du Sud-Kivu. Les combats dans le territoire de Kalehe ont contraint plus de 50 000 personnes à fuir, dont plus de 10 000 ont traversé la frontière burundaise.

Alors que la situation sécuritaire était revenue à un calme relatif à Bukavu et dans les villages environnants, le 22 février, Sophie, 31 ans et mère de deux enfants, se trouvait aux champs avec trois autres femmes de son village lorsque des personnes apparaissent devant elles.

Soudain, nous avons vu cinq hommes en uniforme. Ils étaient chacun armés de couteaux. Ils se sont partagé les femmes. Deux de ces hommes m’ont emmenée de force dans la forêt, jusqu’au parc. Là, l’un d’eux m’a donné un coup de pied et je suis tombée. Ils m’ont ordonné de me déshabiller. J’ai refusé, les suppliant de me laisser partir, mais en vain. L’autre a posé son couteau sur ma gorge et m’a dit que si je voulais rester en vie, je devais les laisser faire ce qu’ils voulaient. Ils m’ont battue et abusée. Après cela, l’un d’eux voulait me tuer, mais celui qui tenait le couteau sur ma gorge lui a dit de me laisser partir, en me recommandant de ne pas regarder en arrière. »

Sophie, erra pendant des heures dans la forêt, sans savoir où elle allait. Sa seule prière était de trouver un village ou une maison pour se réfugier. A la tombée de la nuit, elle a trouvé une première habitation. Une femme l’a accueillie, mais Sophie était incapable de lui raconter ce qu’elle venait de subir. Le lendemain, elle a continué son chemin jusqu’à son village, à la recherche de ses enfants qui avaient déjà fui les combats. Ne pouvant rester seule au village, elle s’est rendue à l’Hôpital Général de Référence de Panzi pour recevoir des soins.

L’Hôpital de Panzi : leader dans la prise en charge des VBG

L’hôpital Général de Référence de Panzi est spécialisé dans la prise en charge des survivantes de violences sexuelles, dont la majorité a été victime d’abus sexuels. Son travail a transformé la vie de milliers de femmes, particulièrement dans cette région du pays. Initialement conçu pour 120 lits, l’hôpital en compte aujourd’hui 350, dont 200 sont dédiés aux victimes de violences sexuelles.

Les violences sexuelles à l’encontre des femmes et des filles constituent des violations graves qui affectent leur santé et leur bien-être. Selon les statistiques de la Division provinciale de la santé  du Sud-Kivu, 970 cas de prise en charge de VBG ont été rapportés en janvier 2025, contre 777 en janvier 2024. Visiblement, les cas de VBG se sont plus augmentés à cause de la crise actuelle. 

Sophie est arrivée à Bukavu avant 72 heures, délais nécessaires pour bénéficier d’une prise en charge médicale et psychologique. Tout en apprenant la maroquinerie, son suivi psychologique se poursuit jusqu’à sa résilience.

Ici à l’hôpital, les mamans chéries (terme utilisé pour désigner les assistantes psychosociales) nous aident à apaiser nos émotions, elles nous disent de ne pas trop penser aux conséquences de la guerre. »

Une survivante bénéficiant d'un kit de dignité entre les mains du médecin directeur adjoint de l'hôpital de Panzi et du Chargé de programme VBG au Sud-Kivu
Une survivante bénéficiant d'un kit de dignité entre les mains du médecin directeur adjoint de l'hôpital de Panzi et du Chargé de programme VBGet Coordinateur AoR VBG au Sud-Kivu

Des survivantes victimes une seconde fois

Durant cette période de crise, l’hôpital Général de Panzi a reçu plus de 100 cas de différents âges, provenant de divers coins de la province. La plupart étaient des femmes et des filles mineures de moins de 18 ans. Elles arrivaient dans un état émotionnel très critique.

Daniel Haradi, psychologue clinicien et psychomotricien à l’Hôpital Général de Référence de Panzi, témoigne :

C’était une période très critique. Il y avait des femmes qui revenaient pour la deuxième fois. Elles étaient déjà survivantes de VBG et, pendant cette crise, elles ont été à nouveau violées. Cette deuxième agression avait réactivé le traumatisme de leur première expérience. »

Grâce au soutien de UNFPA au plan de contingence de l’Hôpital Général de Référence de Panzi ainsi qu’à l’espace sûr de la maison Dorcas, partenaire de la Fondation Panzi, via un projet financé par le Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) du Royaume-Uni, les prestataires ont accompagné les survivantes et ont réussi à les stabiliser sur le plan psychologique et émotionnel. Cela a permis de mettre en place des actions psychologiques pour les aider à surmonter la détresse de la crise actuelle.

On les évaluait sur le plan émotionnel après les avoir stabilisées. On diagnostiquait les différents troubles, y compris les troubles de stress post-traumatique. La plupart de ces femmes développaient un traumatisme. Certaines avaient atteint un seuil de sévérité très élevé, nécessitant l’intervention d’un psychiatre pour un traitement médical adapté à leurs plaintes et symptômes. Certaines femmes développaient des dépressions, d’autres des troubles anxieux, que nous avons réussi à stabiliser en les aidant à comprendre et à accepter la situation, car ce n’était pas de leur faute », explique Daniel Haradi.

Remise symbolique des kits de dignité aux survivantes
Remise symbolique des kits de dignité aux survivantes

Sophie remercie UNFPA et le Royaume-Uni pour la qualité de la prise en charge gratuite dont elle continue de bénéficier à l’Hôpital Général de Référence de Panzi. Le parcours de Sophie n’est pas un cas isolé. Dans l’ombre des conflits qui ravagent l’Est de la RDC, des milliers de femmes et de filles subissent encore des violences sexuelles, souvent à répétition. Si des structures comme l’Hôpital Général de Référence de Panzi, avec le soutien de UNFPA et du FCDO, continuent de sauver des vies et de réparer les blessures les plus profondes, cela ne suffit pas. Il est urgent d’agir en renforçant la prévention et la sécurité des femmes.  Car tant que les corps des femmes seront des champs de bataille, il n’y aura ni justice, ni développement, ni avenir.