Nous avons traversé des moments très difficiles à cause des conflits. Plusieurs femmes ont perdu la vie en donnant naissance et d’autres ont vu leurs enfants décédés après accouchement juste par manque de moyen et du personnel qualifié ».
De son vrai nom Njagusi Cherr Stéphanie, cette sexagénaire et veuve depuis 10 ans. Elle a 8 enfants et vit à Jiba dans le territoire de Djugu en province de l’Ituri où elle a créé en janvier 2022, une association des femmes dénommée « Wa mama tuwe wima » qui signifie en français, « chères mamans, restons débout ». En sa qualité de présidente des mamans de Jiba, elle réunit une fois par mois, les femmes et les sensibilise sur l'importance pour les femmes enceintes de se faire assister par un personnel soignant qualifié car « les soins sont gratuits » grâce aux aires de santé subventionnées par UNFPA dans la zone. Son appel a entre-autre contribué à amener 14 femmes porteuses de fistule obstétricale à bénéficier de l’opération gratuite à l’hôpital de Rethy lors de la campagne de réparation des fistules organisée par Caritas Bunia du 20 juin au 05 juillet 2022 pour les Zones de Santé de Mahagi, Aungba, Rethy, Jiba, Linga et ses environs.
Située au Pied du Mont Bleu, une chaîne de montagnes située au nord-ouest du lac Albert à l’Est de la RDC, la Zone de Santé de Jiba était la plus grande pourvoyeuse de décès maternels avec 6 décès maternels enregistrés en janvier 2021 selon un rapport d’évaluation de la situation humanitaire réalisée par l’ONG AIDES en avril 2021. La même source avait relevé que la moyenne du taux d’utilisation des services curatifs était de 10%. Cette Zone de Santé comprend à son sein 14 aires de santé dont 7 sur le flanc Est du Mont Bleu le long du Lac Albert, d’accès géographique difficile, en proie aux problèmes sécuritaires.
En vue de « ne laisser personne derrière », le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et ses partenaires dont Caritas Bunia et SOFEPADI, ont mis en œuvre le projet "Réponse multisectorielle aux besoins vitaux en soins de santé primaires, santé reproductive et violences basées sur le genre en provinces de l’Ituri » grâce au financement du Fonds Humanitaire de la RDC.
C’est dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet à Jiba que Madame Njagusi Cherr Stéphanie a pris l’initiative en janvier 2022 de réunir les femmes pour les inciter à fréquenter les formations sanitaires afin de garantir leur survie, celle de leurs enfants et surtout des nouveaux nés grâce à la gratuité de soins dans la zone.
Vu la souffrance à cause des conflits, des maladies et des décès que nous avons connus, j’ai toujours pensé que sensibiliser les femmes sur l’importance de consulter un professionnel de santé qualifié peut sauver des vies. Heureusement que grâce au projet de UNFPA et ses partenaires, les soins sont devenus gratuits dans la zone de santé de Jiba » s’est exprimé Mme Stéphanie.
De la redevabilité envers la population
Le projet « Réponse multisectorielle aux besoins vitaux en soins de santé primaires, santé reproductive et violences basées sur le genre » opérationnel depuis octobre 2021 est arrivé à échéance en septembre 2022. Redevabilité oblige, UNFPA a organisé des sessions de restitution des résultats dans les deux provinces notamment en Ituri et au Nord-Kivu.
En Ituri, les résultats du projet ont été présentés aux autorités politico-administratives et à la population de Djugu à Rethy et à celles de Mahagi à Aungba. A Rethy par exemple, la séance de restitution a réuni plusieurs couches de la population des zones de santé de Bambu, Jiba et Mangala à laquelle a pris part les membres de l'association « Wa Mama Tuwe Wima » présidée par Madame Njagusi Cherr Stéphanie. L’objectif pour UNFPA était de renforcer la redevabilité envers les populations bénéficiaires et avec les autorités politico-administratives locales.
Une réponse aux besoins vitaux
Dans la zone de santé de Jiba et de Aungba, des personnes vulnérables (déplacés, retournées et familles d’accueil) victimes des conflits armés ont bénéficié des services multisectoriels en soins de santé primaire et santé sexuelle et reproductive. Au nombre desquelles 11 034 personnes ont bénéficié de soins gratuits pour les 3 maladies tueuses prioritaires dont le Paludisme, la Diarrhée et les Infections Respiratoires Aiguës. 1034 personnes ont bénéficié de services de santé reproductive y compris 138 césariennes. 596 personnes ont bénéficié des services de consultation prénatale. 581 personnes ont bénéficié de la prise en charge syndromique des Infections Sexuellement Transmissibles (IST) et 665 personnes ont bénéficié des services de santé reproductive, comme nouvelles adhérentes de la Planification familiale (PF).
Pour la réparation des femmes porteuses de la fistule, au total 100 cas de fistule obstétricale ont été réparés grâce au projet dont 46 au site de Rethy.
La moyenne du taux d’utilisation des services curatifs dans la zone de santé de Jiba est passé de 13% à 48% pour toute la zone de santé, alors que dans les aires de santé appuyées par le projet, la moyenne est au-delà de 60% à en croire le Chargé de Programme Humanitaire et violence basée sur le genre de UNFPA, Joseph NAKIKULULA KIKUNI.
Notons que deux maternités ont été construites par le projet dont celle du Centre de Santé Okareba de Jiba en cours de finalisation, et celle du Centre de Santé de Référence de Luma à Aungba remise à la communauté à travers les autorités locales de Luma. Objectif, améliorer l’accès des femmes victimes des conflits armés, aux services de maternités et réduire ainsi la surmorbidité et la surmortalité dues au faible accès aux soins de santé primaires et santé de la reproduction.
Signalons que la plupart des bénéficiaires que nous avons interrogés s’est dit satisfaits des résultats du projet. Ils se sont exprimés lors de la présentation des résultats aux autorités et à la communauté. C’est le cas de Madame Njagusi Cherr Stéphanie présente lors de la présentation des résultats à Rethy. La présidente des mamans a d’abord remercié UNFPA et ses partenaires pour les efforts pour sauver des vies et a fait un plaidoyer pour que les populations qui habitent la partie du rayon du lac Albert soient prises en compte dans les prochaines interventions.