J’ai 40 ans et je suis mère de quatre enfants. Lors de ma première grossesse, j’ai accouché à domicile en raison de la distance et du coût élevé de l’accouchement au centre de santé. Au moment de l’accouchement, alors que la matrone m’aidait à donner naissance, les choses ont mal tourné et j’ai dû être transportée d’urgence au centre de santé. Non seulement l’enfant était infecté, mais j’ai également subi une déchirure et j’ai beaucoup saigné»,
nous confie Joséphine Tshala, devenue distributrice communautaire de méthodes contraceptives (DBC).
Pendant mon séjour à la Maternité du centre de santé Luandanda, « j’ai été sensibilisée par les infirmières et les membres de la Cellule d’Animation Communautaire (CAC) ». La CAC regroupe les relais communautaires dans les quartiers ou les villages, avec pour objectif de rapprocher les membres de la communauté des centres de santé pour faciliter l’accès aux soins de santé de qualité. La CAC inclut les Distributeurs à Base Communautaire (DBC), chargés de proposer des méthodes contraceptives modernes pour améliorer la santé et réduire les risques des décès maternels.
J’ai pris conscience du danger auquel je m’exposais en accouchant à domicile. Non seulement je dormais par terre et je ne recevais aucun soin, mais je mettais ma vie et celle de mon enfant en danger. Au centre de santé, on m’a donné des médicaments et j’avais un lit approprié pendant mon hospitalisation ».
La Maternité avant l’Appui
Le projet d’amélioration du système de santé pour les femmes et filles en RDC a ciblé le centre de santé de Luandanda, dans la zone de santé de Lukonga, à 27 kilomètres du centre ville de Kananga. Grâce au financement canadien, le centre de santé a reçu des équipements complets pour la maternité, y compris une table d’accouchement, des boîtes à instruments, un kit d’accouchement et une casserole à pression pour la stérilisation des matériels.
Joséphine se rappelle :
J’ai accouché dans cette maternité avant l’arrivée du projet. Il n’y avait pas de table d’accouchement appropriée, pas de savon, et nous devions tout acheter. Ce stress ne nous encourageait pas du tout. En 2023, le gouvernement congolais a lancé la gratuité de l’accouchement, une mesure qui a allégé les charges de nombreux ménages ici. Après ma première expérience, j’avais opté pour une méthode contraceptive pour un temps de repos et une reconstitution physique. J’ai accouché d’un autre enfant dans cette maternité alors que la mesure de gratuité avait déjà été prise par le gouvernement, et j’ai été surprise de constater le confort dans les locaux. À ma sortie, je n’ai rien payé. »
Les relais communautaires : ces héros dans l’ombre
C’est grâce aux soins et aux conseils que j’ai reçus dans ce centre de santé que j’ai décidé de devenir relais communautaire (RECO), dit-elle. Je les voyais (les RECO) se réunir au centre de santé pour préparer leurs visites sur le terrain. Au moment de recruter des nouveaux membres, je me suis inscrite et j’ai suivi les formations nécessaires. En devenant RECO, précisément DBC, je voulais apporter mon soutien aux ménages qui sont encore dans l’ignorance, comme je l’étais autrefois.
« Pendant la sensibilisation, je me sert de mon histoire comme témoignage auprès des femmes et ménages qui hésitent encore à utiliser une méthode contraceptive pour espacer les naissances; ces femmes qui veulent accoucher à domicile soit par habitude ou par manque d’argent. Je m’assure de bien transmettre le message pour permettre à chaque femme de mieux l’assimiler » conclut, Joséphine Tshala.
Les relais communautaire résilients
Lors de notre entretien avec les relais communautaires, ils ont partagé les difficultés rencontrées sur le terrain et la manière dont ils les surmontent :
Au début, dans le village de Bena Kabanga, à 11 kilomètres du centre de santé, nous avons été bloqués par le chef coutumier qui ne voulait pas que nous puissions mener la sensibilisation dans la communauté. Il nous a demandé de construire un poste de santé dans son village pour éviter que les femmes n’aillent loin pour accéder aux soins de santé. Nous avons trouvé un terrain d’entente en invitant le chef à visiter le centre de santé. Sur place, le prestataire lui a expliqué les dangers des accouchements à domicile sans personnel qualifié. Aujourd’hui, ce chef coutumier est notre premier allié et il sensibilise les femmes en les envoyant accoucher au centre. »
Mulenda Pierre, relais communautaire.
Les hommes ne voulaient pas que leurs femmes soient assistées par des infirmiers de sexe masculin ; ils préféraient que l’accouchement soit réalisé par une femme. »
Tshipamba Mukuna Jean, relais communautaire
Personnellement j’ai été dans un ménage où le mari ne voulait pas que sa femme puisse adhérer à une méthode contraceptive malgré leurs 8 enfants. Je m’y suis rendu trois fois avant que l’homme décide enfin d’autoriser sa femme à l’utiliser une méthode car pour lui, la contraception rend stérile et les enfants sont une richesse ».
Bakosayi Kabasele Relais communautaire
Les femmes refusent la méthode contraceptive parce que la maternité est le seul moyen pour que leurs maris puissent leur offrir des habits, j’ai réussi à expliquer à une femme que la méthode ne consistait pas à stopper définitivement les naissances mais de les espacer pour le bien-être de la mère et des enfants ; »
Nseya Thérèse, distributrice communautaire de contraceptifs.
La courbe de fréquentation des femmes à la maternité est passée de 42 accouchements par mois entre 2017-2021 à 67 accouchements par mois pendant la période du projet soit de 2021 à 2023, soit une croissance de 59,52 %. UNFPA avec l’appui du Canada, intervient dans 4 aires de santé dans les neufs zones de santé de trois provinces (Kasaï, Sankuru et Kasaï-Central) où le projet est implémenté.