À la maternité débordée de l’hôpital de Kyeshero, Mervine Kubuya, femme enceinte de 19 ans, déplacée de Kibumba, donne naissance à son enfant sous le regard attentif des sages-femmes soutenues par UNFPA. « Ici, chaque accouchement est un miracle qu’on arrache à l’urgence », murmure avec sourire, Espérance, l’une des sages-femmes de la maternité.
Dans la situation actuelle au Nord-Kivu, donner naissance en toute sécurité n’est plus une garantie ni pour la mère ni pour le nouveau-né car la plupart des hôpitaux et centres de santé sont restés fermés faute de produits et d’équipements ou encore dépourvus de personnel compétent pour assurer les services de qualité.
Originaire de Kibumba, une localité située à une trentaine de kilomètres au nord de Goma aujourd’hui vidée à cause des affrontements, Mervine a tout abandonné pour fuir la guerre. Avec son mari, elle a marché plusieurs heures, traversant les collines et les barrières militaires, jusqu’à atteindre la périphérie de Goma. Sans abri ni ressources, le couple s’est installé dans le site de personnes déplacées de Rusayo, avant d'être déguerpis suite à la décision des autorités de Facto, de démanteler tous les sites des déplacés dans la ville de Goma. Le couple a alors été accueilli par une famille déjà en difficulté à Katindo.
Depuis plusieurs semaines, Mervine vivait dans l’angoisse de l’accouchement avec la fermeture de la clinique mobile installée par UNFPA dans le site de Rusayo suite au démantèlement du camp en février dernier. Elle n’avait ni argent, ni transport, ni certitude de trouver un centre de santé capable de l’accueillir. Mais le 28 mars 2025, à l’aube, les douleurs deviennent intenses. Soutenue par sa voisine, elle prend la direction de l’Hôpital Général de Référence de Kyeshero, l’un des rares établissements qui offrent encore des soins maternels gratuits avec le soutien de UNFPA. Quelques heures plus tard, elle accouche son bébé.
Mettre au monde dans ces conditions, c’est un miracle. On m’a accueillie, soignée, écoutée. Je suis vivante. Mon bébé est vivant. Que Dieu bénisse ces mains qui m’ont aidée », murmure-t-elle, épuisée mais émue, donnant les premiers laits à son bébé.
Espérance, cheffe d’équipe des sages-femmes à Kyeshero, est l’une des héroïnes silencieuses de cette maternité. Bénéficiaire du programme de reconversion des infirmières en sages-femmes, grâce une bourse octroyée par UNFPA, elle est fière d’exercer un métier qu’elle aime profondément.
Cette semaine, j’ai dirigé 19 accouchements. Deux étaient des urgences vitales. On travaille dans des conditions difficiles, avec la peur de ne pas pouvoir sauver tout le monde. Mais on tient bon. Je remercie UNFPA de m’avoir permis d’acquérir des compétences nécessaires. »
Nous ne refusons personne, mais nos capacités d’accueil sont dépassées. Il manque de tout : des poches de sang, des médicaments. Mais avec l’appui de UNFPA et certains autres partenaires, nous pouvons encore assurer les services. Mais pour combien de temps ? » s’interroge Docteur Bishenge Fabrice, le Médecin Directeur de l’hôpital.
La RDC enregistre 746 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Plus d’un tiers des décès chez les femmes de 15 à 49 ans sont d’origine maternelle, selon l’Enquête Démographique et de Santé 2023–2024. Des chiffres alarmants, qui prennent tout leur sens au Nord-Kivu, où environ 50 décès maternels ont été rapportés entre janvier et mars 2025 dans 17 zones de santé sur 34. La seule zone de santé de Karisimbi a enregistré 9 décès, dont 4 survenus en pleine période d’insécurité, alors que plusieurs structures avaient fermé par crainte de représailles. Selon la Division Provinciale de la Santé du Nord-Kivu, les principales causes de décès maternels sont dominées par les hémorragies obstétricales (80 %), suivies des infections obstétricales (10 %), de l’éclampsie et du neuropaludisme (3 % chacun), de la méningite (2 %) et d'autres causes diverses (2 %).
Pour UNFPA, « Chaque décès maternel évitable est une faillite du système de santé. Il faut renforcer la sensibilisation sur les signes de danger pendant la grossesse et l’accouchement au niveau communautaire, mettre en place un système efficace pour le transport des femmes enceintes vers les structures de prise en charge, équiper en matériels et médicaments qui sauvent la vie des femmes enceintes et des nouveau-nés, former et déployer des sages-femmes, sécuriser les structures sanitaires et surtout garantir l’accès rapide aux soins obstétricaux et néonataux d’urgence. Trop de femmes meurent à quelques mètres de la survie en RDC »
Grâce au projet « Réponse d’urgence et renforcement des systèmes de santé pour améliorer les services de santé sexuelle et reproductive sensibles au genre », financé par le Royaume-Uni à travers le FCDO, des vies sont sauvées dont celle de Mervine avec l’espoir que, malgré l'incertitude, un système de santé renforcé peut encore protéger les enfants qui viennent au monde.