Ma grossesse gémellaire n'était pas encore à terme lorsque j'ai commencé à saigner à la maison. La complication était due à la panique créée suite aux coups de feu dans la ville. J'ai dû marcher pendant quatre longues heures pour atteindre l'Hôpital Général de Référence de Panzi, car j'avais une peur de perdre mes bébés », raconte Sifa Selemani, heureuse de voir ses jumeaux.
En février, la prise de Bukavu par les autorités de facto a semé la panique générale, entraînant le déplacement d’une partie de la population vers le Burundi et une augmentation des violences. Certains habitants sont restés confinés chez eux jusqu'à une relative stabilisation de la situation en fin mars. Sifa Selemani, 27 ans, mère de trois enfants, était alors enceinte de sept mois. Les tirs ont malheureusement provoqué une menace d'accouchement prématuré. Sifa et ses jumeaux ont échappé à la mort grâce à sa décision rapide de se rendre à l'hôpital malgré le chaos.
J'ai quitté ma maison à 17 heures pour arriver à l'hôpital à 20 heures. J'étais seule sur la route et j’avais tellement peur la nuit, craignant d'être attaquée ou tuée, mais je n'avais pas le choix, il fallait absolument que j'arrive à l'hôpital. » À l'Hôpital Général de Référence de Panzi, elle a été immédiatement prise en charge et a accouché de façon prématurée deux semaines après son admission.
Son accouchement prématuré était dû au stress intense lié à la situation de crise. Pendant cette période, nous avons reçu huit cas de menaces d'accouchements prématurés. » Explique Cécile Heshima, sage-femme à l'HGR de Panzi.
Pour mieux gérer la crise à Bukavu, UNFPA, grâce au soutien du Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) du Royaume-Uni, a appuyé le plan de contingence de l'Hôpital Général de Référence de Panzi. Cet appui a permis l'achat de médicaments, la prise en charge des services de l'ambulance, le soutien aux sages-femmes, aux femmes enceintes et aux survivantes des violences basées sur le genre (VBG).
Mes bébés et moi avons bénéficié des services gratuits. Si on m'avait demandé d'aller acheter les médicaments à la pharmacie, je ne sais pas comment j'aurais fait pendant cette crise. Je ne savais pas par où commencer ni dans quelle pharmacie me rendre, car tout était fermé », en ajoutant avec gratitude : « Mes enfants vont bien, ils mangent bien. Je remercie toute l'équipe médicale de l'hôpital et les donateurs qui nous ont aidé pendant à faire face à cette situation. »
Les sages-femmes, véritables agents humanitaires
A l’occasion de la Journée Internationale de la Sage-femme, la Directrice Exécutive de UNFPA, Dr Nathalia Kanen a souligné que
lorsque des bombes tombent ou que des inondations emportent des routes et des maisons, que les services sont interrompus et que les infrastructures s'effondrent, les sages-femmes sont souvent les premières à intervenir et la dernière ligne de défense. Elles se déplacent souvent sur les terrains les plus reculés et les plus dangereux pour assurer des services essentiels qui sauvent des vies et protègent la santé et les droits humains ».
Francine Cirhakonda, sage-femme et responsable adjointe à la maternité pendant la période de contingence, témoigne :
Je suis moi-même une femme qui allaite. C'était une période difficile pour nous, le personnel soignant et les patients. Je venais à l'hôpital et le soir, je devais rentrer rejoindre mon bébé, prenant des risques sur la route avec les tirs, même dans l'ambulance. Il y a des jours où je devais quitter très tard à cause du volume de travail. De plus, nous travaillions sous stress, car nous avions appris que parmi les blessés hospitalisés, il y avait des rebelles. Nous nous sentions en insécurité totale. »
La plupart d’accouchements pendant cette période étaient dystociques à cause du stress. Un travail spontané peut débuter lorsque la patiente est calme et sans stress. Mais pendant la crise, les patientes étaient stressées, ce qui rendait les accouchements difficiles et entraînait des menaces d’avortements et des accouchements prématurés, a-t-elle ajouté.
Un besoin crucial de soutien pour la province
Les données du premier trimestre (Janvier-Mars) 2025 reçu de la Division provinciale de la santé du Sud-Kivu révèlent un total de 91 cas de décès maternels dans la province : 41 décès notifiés dans les formations sanitaires et 50 dans la communauté. Parmi ces 91 cas, seuls 40 ont fait l'objet d'une revue de décès maternel. L'hémorragie a été la cause principale de ces décès maternels. L'augmentation des décès maternels en ce premier trimestre de l'année est directement liée à la crise qui sévit dans la province. À ce jour, six sages-femmes humanitaires ont été formées par UNFPA et ne sont pas déployées pour sauver des vies de femmes et des nouveau-nés au Sud-Kivu.
Grâce à l'appui de UNFPA, l'HGR de Panzi a sauvé des vies des femmes et des nouveau-nés. L'hôpital n'a enregistré qu'un seul cas de décès maternel, lié du reste à une complication due à une embolie pulmonaire.