C’est un vendredi ensoleillé à Mbandaka, chef-lieu de la province de l’Equateur. Au centre-ville s’impose le grand bâtiment des cliniques universitaires. La vétusté n’a pas visiblement entaché la réputation médicale des cliniques universitaires où des patients affluent au petit matin. C’est dans ces installations qu’est érigé l’imposant chantier qui va servir d’ici peu de laboratoire de santé publique de la province.

La grande clôture en tôles sur cet espace d’environ 1 hectare et la grande pancarte portant des écrits sur le projet, la durée de construction et logos de la Banque Mondiale principal des bailleurs du projet attirent certains curieux qui s’arrêtent pour quelques secondes de lecture avant de poursuivre leur chemin.

Chaque matin, l’arrivée des ouvriers couplées à celle des étudiants de l’ISTM (Institut Supérieur des Techniques Médicales) installé en face du chantier crée une petite ambiance à la quelle s’associent les vendeurs occasionnels des fruits et d’autres produits.

Ce vendredi, une centaine d’ouvriers en tenues de travail est à l’extérieur du chantier discutant en petits groupes sous des arbres, fuyant les rageux rayons du soleil matinal. Ils ne sont pas encore entrés dans le chantier car c’est un jour spécial

hier l’ingénieur nous a informé qu’on aura une sensibilisation ce matin, je suis venu à temps car je suis curieux, déjà que nous les maçons notre travail c’est juste construire alors je me demande que vient faire la sensibilisation dans un chantier » murmure l’un d’eux pendant que l’équipe de la Division du Genre installe des bâches et affiches sous les arbres afin de démarrer la causerie du jour.

Protéger les communautés environnant le chantier

Le sensibilisateur du jour s’appelle Pitshou Bomandeke, qui est Chef de Division du Genre dans la province de l’Equateur. Il s’introduit par une rapide brise-glace en lingala pour rappeler aux ouvriers que le lendemain il sera samedi et ils vont toucher leur frais hebdomadaire pour avoir un weekend festif, ce à quoi les ouvriers répondent en éclats de rire.

C’est là que commence la sensibilisation contre l’exploitation, abus et harcèlement sexuels. Debout au milieu des ouvriers qui se sont rapprochés, boîte à images en main, Pitshou Bomandeke sensibilise dans une approche questions-réponses avec son auditoire.  En première partie il explique les concepts clés à travers des exemples, sous un silence et yeux curieux des ouvriers et quelques vendeurs qui rodent autour du chantier

 Il y a de la pauvreté à Mbandaka. Vous voyez déjà l’environnement avec des petites filles qui vendent autour et des étudiantes qui passent, c’est important que les travailleurs ici au chantier sachent que l’argent qu’ils perçoivent ne doit pas servir à avoir des faveurs sexuelles car il s’agit d’un acte qui ôte la dignité à la femme. Ce chantier est financé par la Banque Mondiale est tous les travailleurs doivent respecter ses directives liées à la protection des femmes et filles contre l’exploitation sexuelle » nous confie Pitshou après la sensibilisation.

La sensibilisation des ouvriers intervient quelques jours seulement après celle des cadres de l’entreprise INOVIE Africa qui assurent la construction du chantier, explique Ghislaine Bujimbi, Analyste Genre de UNFPA au sous-bureau de Mbandaka

Il était important de sensibiliser d’abord les cadres parce que ce sont eux qui recrutent et qui gèrent au quotidien les ouvriers. Le chantier est grand et engage beaucoup de personnes. Il est de notre devoir en tant que UNFPA de sensibiliser toutes les parties engagées ici sur les questions de l’inconduite sexuelle qui sont des formes aussi graves des violences basées sur le genre » conclut-elle.

Une première pour les cadres et ouvriers

Les échanges ont duré environ une heure lorsque Pitshou Bomandeke libère les ouvriers pour leur corvée. Mais une dernière séance va suivre : celle de la signature du code de bonne conduite. Une table et chaise sont rapidement installés à l’entrée principale du chantier. Des ouvriers, un à un passent pour signer le document à travers lequel il s’engage à respecter les principes de lutte contre l’exploitation, abus et harcèlement sexuels durant toute la durée des travaux de construction.

C’est une première pour moi depuis qui je travaille comme ingénieur superviseur. Je ne savais pas à quel point l’inconduite sexuelle peut avoir des conséquences sur la vie des femmes et filles, et même affectées les communautés. C’est très bénéfique pour nous car il en va de la réputation de notre société. C’est pour cela que je suis impliqué pour mobiliser les ouvriers aujourd’hui » raconte Ruffin Matwaki, qui a été impliqué dans l’encadrement des ouvriers durant la sensibilisation.

Lucien Ekofo est l’un des premiers signataires de code de bonne conduite. Pour lui la sensibilisation du jour offre une valeur ajoutée à sa vie professionnelle

Je pensais que je peux tout faire avec l’argent que je perçois ici. Maintenant j’apprends qu’il y a des limites surtout liées à la protection de nos mamans et nos sœurs. Il y a même des avantages économiques car l’inconduite sexuelle a ruiné des nombreux jeunes ici à Mbandaka. Je viens de tirer une très bonne leçon à travers la sensibilisation du jour » témoigne Lucien.

La construction du laboratoire de santé publique de Mbandaka est financée par la Banque Mondiale à travers l’Unité de Gestion de Projet de Développement du Système de Santé (UG-PDSS).  UNFPA a conclu un partenariat avec l’UG-PDSS dans le cadre des activités de prévention et de réponse aux violences basées sur le genre, l’exploitation et les abus sexuels, harcèlement sexuel afin de garantir une bonne exécution des projets.