A l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), des milliers de personnes déplacées internes vivaient dans des habitations de fortune dans plusieurs camps de déplacés, espérant un semblant de stabilité après avoir fui les violences dans leurs milieux d’origine. Parmi elles, des femmes enceintes luttant chaque jour contre l’angoisse de ne pas pouvoir accoucher en toute sécurité devant un personnel de santé qualifié.
Cécile Bahati, 37 ans, mère de cinq enfants en faisait partie. Elle avait fui Masisi alors qu’elle était enceinte de trois mois. Après des semaines de marche et d’incertitude, elle pensait avoir trouvé un abri sûr dans le site de déplacés de Bulengo. Mais en janvier 2025, alors que la guerre se rapprochait de Goma, son espoir s’est transformé en peur. Un matin, sous le fracas des explosions, Cécile s’est rendue à la clinique mobile tenu par UNFPA pour une consultation prénatale auprès de la sage-femme Sifa Ndeze.
Je suis venue pour savoir si mon bébé allait bien. J’ai déjà perdu un enfant en fuyant les combats… Je ne veux pas revivre cela. » témoignait Cécile.
Ce jour-là, les bombardements secouaient le site, et Cécile, prise de panique, redoutait de faire une fausse couche. Son seul espoir c’était de se rendre à la clinique mobile de UNFPA qui continuait d’assurer les services malgré le chaos.
Mais, ce fragile équilibre fut brutalement rompu après la prise de la ville de Goma par les forces rebelles. Le 9 février, les rebelles du M23 ont donné un ultimatum de 72 heures aux personnes déplacées internes des camps aux alentours de la ville, leur ordonnant de regagner chacun son village d’origine car selon eux, la guerre était finie. Le 11 février, les sites ont été démantelés, laissant des milliers de familles, y compris des femmes enceintes, devant leur triste sort.
Des milliers de femmes enceintes forcées au retour dans l’incertitude
Comme Cécile, 12 192 femmes enceintes se retrouvent aujourd’hui avec difficultés d’accès aux soins de santé reproductive. Dispersées, certaines tentent de regagner leurs villages, malgré l’insécurité et la destruction des infrastructures de santé. D’autres continuent d’errer, cherchant désespérément un lieu dans des familles d'accueil près de la ville pour accoucher en sécurité.
UNFPA estime à environs 1 582 977 de femmes en âge de procréer touchées par le conflit au Nord-Kivu et Sud-Kivu ; Un chiffre alarmant qui met en péril la vie des mères et nouveau-nés.
Cette situation accroît le risque de mortalité maternelle et périnatale, déjà préoccupant dans les zones touchées par la crise » s’inquiète Dr. Solange N. NGANE, Coordinatrice de la santé sexuelle et reproductive à UNFPA.
Des sages-femmes en mission malgré l’insécurité
Face à cette situation, UNFPA en collaboration avec la division provinciale de la santé du Nord-Kivu, a affecté des sages-femmes vers des établissements de soins de santé desservants les personnes déplacées, les retournées et la communauté d’accueil pour assurer l’offre des services en santé reproductive.
Sifa Ndeze, qui suivait les femmes enceintes au camp de personnes déplacées internes de Bulengo, travaille désormais au Centre de Santé Buhimba, à proximité de l’ancien site.
Ce n’est pas facile. Les femmes qui venaient avant à la clinique mobile sont maintenant éparpillées. Certaines nous appellent pour des consultations, d’autres arrivent ici à Buhimba, souvent après plusieurs jours d’errance. » a souligné la sage-femme.
L’accès aux soins de qualité demeure un défi. Aujourd’hui, 265 000 personnes ont besoin de services en matière de santé sexuelle et reproductive, mais les équipes humanitaires manquent de moyens logistiques et de corridors humanitaires sécurisés.
Grâce aux contacts téléphoniques, certaines femmes peuvent encore rejoindre les sages-femmes en cas d’urgence. Mais le réseau de télécommunication mobile reste un défi dans cette zone en proie à l’instabilité.
Parfois, nous recevons l’appel trop tard. Une femme a perdu son bébé la semaine dernière parce qu’elle a mis trop de temps à atteindre une structure de santé. » regrette Sifa.
Une crise humanitaire qui s’aggrave : UNFPA alerte
Au Nord-Kivu, plus de 450 000 personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers en raison des affrontements armés depuis le début de cette année. Les affrontements détruisent certaines infrastructures de base comme les hôpitaux et les femmes enceintes sont livrées à la peur et à l’incertitude.
Sans soutien logistique, sans corridors humanitaires sécurisés, ces femmes continueront de mettre leurs vies et celles de leurs enfants en péril. » alerte UNFPA
L’organisation et ses partenaires continuent d’appuyer les établissements de soins de santé pour garantir aux femmes enceintes, les femmes en âge de procréer, les hommes et les garçons ayants besoins d’informations et des services, un accès aux soins essentiels, malgré l’effondrement du système de santé. Grâce au concours des sages-femmes formés pour la prise en charge en situation humanitaire et aux équipes médicales dévouées, des vies continuent d’être sauvées chaque jour dans les zones de combats.